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L'Après Mine, démantèlement, dépollution.

Après la mine, le site minier d'Abbaretz.

Quelques jours après l'interview d'Yves Lulzac à propos de l'utilisation du mercure et du cyanure dans le traitement de l'or, Laurence me téléphone pour me demander si je pense qu'Yves Lulzac pourrait la recevoir à nouveau, elle veut connaître mon sentiment car elle se pose la question de savoir si Yves lui a tout dit lors de cette dernière rencontre à propos du traitement de l'or. J'avoue avoir été gêné par cette question car je venais à peine de mettre en ligne le compte rendu de leur entretien et je me posais la question de savoir ce qui s'était réellement dit. Laurence enregistre ses interview et les retranscrit intégralement, en principe. Y aurait-il eu des blancs ? J'ai donc appelé Yves pour savoir. Il m'a rassuré en me disant qu'il n'avait peut-être pas trop approfondi le sujet et qu'il était prêt à la recevoir à nouveau pour un complément d'information.
C'est ainsi que, le 20 novembre, Laurence s'est rendu au domicile d'Yves Lulzac quelques jours avant son départ pour une destination qu'elle n'a pas voulu révéler car son voyage, pour une agence privée, est une reconnaissance pour le futur tournage d'une chaîne de télévision étrangère, de langue française, dont elle sera non pas le reporter mais la réalisatrice.

Entretien enregistré par Laurence Jézéquel, journaliste, reporter indépendante.

      

          LJ. Merci Monsieur Lulzac de me recevoir malgré le confinement, je me suis faite tester il y a 5 jours et le test est négatif comme vous avez pu le voir sur ce document. J'aurai souhaité pouvoir différer cet entretien mais dans quelques jours je m'envolerai pour une destination lointaine et cela durant quelques mois, jusqu'en 2022 peut-être.

         Depuis notre dernier entretien, j’ai appris que les renseignements que vous m’aviez communiqués étaient incomplets, voire simplifiés à l’extrême concernant le traitement des minerais aurifères. Qu’en pensez-vous ?

 

        YL- Bien sûr, je vous ai fait part, dans les très grandes lignes, de ce qu’il convient de savoir sur ce problème très particulier de l’exploitation minière. Je n’avais nullement l’intention de vous faire un cours de minéralurgie mais plutôt de vous signaler que le mercure n’est plus la matière première indispensable pour récupérer l’or de ses minerais.

            Maintenant s’il y a de savants personnages qui trouvent que je n’ai pas été assez précis, rien ne les empêche de palier cette insuffisance par un article de leur cru en citant, bien sûr, leurs références autres que celles glanées sur les réseaux « sociaux ».

 

            LJ- Pourquoi dites-vous « autres que les réseaux sociaux ». Pour ma part, je trouve qu’ils permettent de s’instruire sans être obligé d’avoir recours à une bibliothèque classique souvent difficile d’accès.

 

            YL- Si l’on veut s’instruire dans une discipline particulière, il est évident que certains sites internet sérieux peuvent être fort utiles. Je dis bien certains car, malheureusement, il y en a beaucoup d’autres qui sont loin d’être sérieux et même carrément à éviter. L’ennui, pour une personne qui n’est pas déjà instruite dans le domaine qu’elle cherche à approfondir, il lui sera impossible de faire le tri entre bonne information et désinformation. C’est la rançon de ce que l’on nomme « la liberté d’expression ».

 

            LJ- Oui, je suis au courant de cet état de choses, et il est dommage que ce formidable outil d’information soit ainsi « vérolé » par n’importe qui.

            Mais, je voulais également vous poser quelques questions au sujet de ce qui se passe lorsque l’on a exploré ou exploité un gisement métallifère et que le chantier doit fermer.

 

            YL- Oui, inutile de nous attarder sur ces pseudos savants sans intérêt.

 Le sujet qui vous préoccupe est ce que les services officiels appellent « l’après mine ». C’est devenu un mot à la mode à défaut de pourvoir parler de mine en activité ou sur le point de l’être.

            Pour ce qui me concerne, mon activité se bornait à localiser et à évaluer le potentiel possible d’un indice métallifère. Ce genre de travail nous conduisait très souvent à effectuer des travaux de terrassement, depuis une simple tranchée profonde de 2 à 4 mètres au maximum, jusqu’aux travaux souterrains de profondeur très variables selon le niveau des connaissances acquises au fur et à mesure de l’avancement des recherches.

 

            LJ- Mais vous me parlez de travaux souterrains alors que j’ai toujours entendu dire que les premières recherches sur un gisement se réalisent au moyen de sondages dont le diamètre n’est que de quelques centimètres.

 

            YL- En effet, c’est ce qui se pratiquait le plus souvent dans notre pays peu avant l’abandon de notre activité minière. Auparavant, on préférait effectuer une première exploration profonde du gisement, (ou plutôt du gîte) entrevu en tranchée, par des travaux miniers (puits et galeries) de faible profondeur, entre 12 et 15 mètres en général. Ceci avec des moyens techniques très réduits. Cette manière de faire avait l’avantage de visualiser plus précisément le gîte, d’en établir une première approche géométrique et d’en évaluer la richesse par des prises d’échantillons plus volumineux qu’une simple carotte de sondage. La reconnaissance du gîte se limitait sur une extension latérale de 50 à 100 mètres.

            Si le gîte s’avérait inintéressant, compte tenu de la conjoncture économique du moment, on abandonnait les travaux en obstruant l’orifice du puits d’accès par une solide dalle de béton. Mais, très souvent, le propriétaire du terrain nous demandait de pratiquer une petite ouverture dans cette dalle de façon à pouvoir y installer une pompe car les cavités ainsi crées se remplissent toujours d’eau (eaux souterraines fissurales, plus eaux de pluie). Quant aux déblais, qui étaient stockés à proximité immédiate du puits, ils étaient abandonnés sur place pour ensuite être réutilisés par les mêmes propriétaires pour empierrer les chemins ou les cours de ferme voisines.

 

            LJ- Mais n’était-ce pas dangereux de disperser ainsi des déblais qui risquaient d’être toxiques ?

 

            YL- En effet, il pouvait y avoir des éléments de minerai dans ces déblais mais ils étaient tellement dispersés que leur incidence sur la pollution locale était généralement très inférieure au fond géochimique naturel enregistré autour du gîte superficiel en place.

 

            LJ- C’est quoi ce fond géochimique dont vous me parlez. Cela veut-il dire que les sols peuvent être pollués sans qu’il y ait une intervention de l’homme ?

 

            YL- Evidemment, il y a de très nombreux gîtes métallifères qui ont la particularité de polluer énormément leur proche environnement. En particulier les gîtes plombifères, zincifères, mercurifères, aurifères, et j’en passe. C’est d’ailleurs grâce à cette pollution naturelle qu’on arrive à les localiser et à les étudier. Et, croyez-moi, cette pollution est parfois très importante et il n’est pas rare d’enregistrer des teneurs en plomb ou en arsenic dans les sols dépassant le 1 pour mille, c’est-à-dire 1 kilogramme de plomb ou d’arsenic par tonne de terre.

            De quoi traumatiser vos petits copains écolos rien qu’en regardant de loin ces terres polluées, bien que toujours recouvertes d’une belle végétation bien verte…. Pourtant ils devraient être au courant de tout cela, eux qui prétendent si bien connaître Dame Nature....

 

            LJ- Non, moi-même je ne savais pas cela, mais il faut dire que ce ne sont pas des choses que l’on nous apprend  à l’école. Mais, pour en revenir aux travaux miniers que vous réalisiez, je suppose qu’ils ne se s’agissait pas que de ces seuls petits puits.

 

            YL- Non, bien sûr car, si l’on trouvait suffisamment de minerai à explorer, on approfondissait les puits, en général par paliers de 40 mètres jusqu’à environ 120 mètres de profondeur. Avec, évidemment, un développement de galeries en conséquence. En surface, cela ne changeait pas grand-chose, sinon que le volume de remblai était plus important. Dans ce cas, s’il était stérile et non utilisé, il restait sur place et ne tardait pas à se végétaliser naturellement. Par contre, si ce remblai contenait beaucoup de minerai utile associé à une forte proportion de sulfure de fer naturel (pyrite ou marcasite), minéraux très instables sous nos climats, on était alors obligé de le sécuriser en le transportant sur une assise inerte et bien étanche pour ensuite le recouvrir d’un film plastique également étanche, lui-même recouvert d’humus. Cela nous est arrivé une fois dans le Finistère afin d’éviter une pollution générale par le zinc, ce que les truites de la rivière voisine n’auraient pas du tout apprécié....

 

            LJ- Oui, je comprends bien, mais vous me parlez toujours de puits d’accès alors que j’ai entendu dire que l’on pouvait s’en passer

 

            YL- Oui, je vois ce à quoi vous faites allusion. Il s’agit d’accès soit par galerie horizontale si le relief du terrain est suffisamment accentué soit, si le terrain est plat, par une galerie inclinée, aussi appelée descenderie, permettant alors le passage de tracteurs électriques ou de véhicules sur pneus de plus grand gabarit. C’est ce genre d’accès que nous avons privilégié dans les dernières années de nos recherches. Cela nous évitait de foncer (ou creuser) un puits avec tous les inconvénients que ce travail nous causait : lenteur dans son exécution car l’extraction des déblais se faisait manuellement, et aussi plus délicat à sécuriser. Mais pour le reste, il n’y avait rien de changé.

 

            LJ- Mais après les travaux de recherches, que devenaient ces galeries d’accès ?

 

            YL- Elles pouvaient être partiellement remblayées mais on préférait plus simplement en interdire l’accès au moyen d’un mur bétonné. Dans ce cas, certaines associations locales nous demandaient de pratiquer une petite ouverture pour laisser le libre passage aux chauves-souris qui trouvaient là un excellent abri souterrain. Souvent, aussi, on laissait un passage pour l’écoulement des eaux qui étaient utilisée par les cultivateurs du coin. Eaux qui, bien sûr étaient toujours, analysées.

 

            LJ- Tout ce que vous me dites est du ressort de la recherche, mais qu’en est-il lorsque l’on passe au stade de l’exploitation en grand ?

 

            YL- A vrai dire, en Bretagne, nous ne sommes que rarement passé au stade de l’exploitation et les 3 cas que je pourrais vous citer ne relèvent que de l’exploitation alluvionnaire. Exploitation superficielle donc, mais qui s’étend sur de grandes surfaces. C’est le type d’exploitation le plus préjudiciable en matière environnementale.

            Il y en a eu deux dans le Finistère, l’une non loin de Brest, l’autre dans la région de Morlaix, et une dans le Morbihan non loin du Faouët. Toutes trois ayant exploité un gisement d’étain (cassitérite uniquement).

            Dans ce genre d’exploitation, c’est l’ensemble du fond de la vallée, ce que l’on appelle la plaine alluviale, qui est extrait pour être traité à proximité. Au départ, ce genre de terrain est généralement constitué de prairies humides qui, autrefois servaient de pâturage aux bovins, ou plus rarement de terrains cultivables. Ou bien il s’agissait de terrains plus ou moins marécageux et incultes.

            A la fin de l’exploitation il restait donc de grands bassins remplis d’eau que l’on pouvait traiter de différentes manières selon le désir des propriétaires terriens. Soit on pouvait les remblayer avec les sables et graviers lavée et débarrassés de leur minerai d’étain. Il s’agissait alors d’une véritable reconstitution de terrain car on y ajoutait la couche d’humus qui avait été préalablement mise de côté au moment de l’ouverture du chantier. Le propriétaire du terrain se retrouvait donc en présence de parcelles de terre de bonne qualité et aisément cultivables. S’il en était fort satisfait, il n’en était pas toujours de même pour l’exploitant, car ce genre d’opération avait un coût assez élevé.

            Soit on pouvait laisser les bassins en l’état, ce qui permettait de vendre les sables et graviers pour les entreprises de construction locales. Certains propriétaires profitaient de ces bassins pour y introduire des poissons. D’autres, surtout ceux dont les terrains voisinaient des villes ou villages, les aménageaient afin d’en faire des lieux de loisir en même temps que des réserves halieutiques ou des sites de repos pour les oiseaux de passage. Bien sûr, à la grande satisfaction des riverains. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour la ville de Saint Renan, non loin de Brest, qui constitue un très bon exemple de ce que l’on peut faire dans ce domaine.

            Bien qu’il ne s’agît pas d’une exploitation alluvionnaire de fond de vallon, on peut citer également le cas de l’ancienne mine d’étain à ciel ouvert sur la commune d’Abbaretz en Loire Atlantique. Les déblais stériles qui sont toujours en place sous forme d’une butte de 70 mètres de hauteur, sont parcourus par de nombreux riverains ou touristes en quête d’exercices physiques.

 

            LJ- Oui, je suis au courant et je connais bien ce relief qui fait la fierté de la commune, mais je vous rappelle au passage que des teneurs anormales en arsenic y ont été décelées, et c’est probablement pour cela qu’aucune végétation ne s’y manifeste actuellement malgré la soi-disant bonne volonté de Dame Nature.

 

            YL- Dame Nature fait ce qu’elle peut et ce n’est pas de sa faute si la pente générale de cette butte est trop accentuée pour que la végétation puisse s’y accrocher durablement sous l’effet du vent et surtout du ruissellement des eaux de pluie. Lorsque l’érosion de cette butte aura notablement adouci ses reliefs, il est certain qu’elle sera vite végétalisée malgré la présence de traces d’arsenic.

            Et, une fois de plus, Dame Nature reprendra vite ses droits bien que vos copains écolos s’efforcent de nous faire croire le contraire.

            Mais, dans le cas de cette ancienne mine d’Abbaretz, il ne faut pas oublier l’emplacement de l’ancien centre d’exploitation en carrière qui est maintenant occupé par un grand étang où vont s’entraîner les amateurs de ski nautique de la région.

 

            LJ- Oui tout cela est bien beau, mais qu’en est-il des exploitations importantes ayant duré plusieurs décennies ou siècles ?

 

            YL- En effet, en Bretagne, depuis au moins la fin de l’Age du Fer (la Tène finale) il y a eu de très nombreuses exploitations de fer, plomb argentifère, étain et or principalement. Beaucoup ont laissé des traces sur le terrain, soit sous forme de superstructures pour les plus récentes, certaines pouvant d’ailleurs être réutilisées à d’autres fins, soit sous forme de dépressions de terrain, en général de formes allongées, assez étroites et peu profondes. C’est le cas, en particulier des anciennes exploitations d’or gallo-romaines que l’on peut suivre sur des dizaines de kilomètres en Ille-et-Vilaine et en Mayenne. Certaines ont été nivelées pour les besoins de l’agriculture, beaucoup sont restées en l’état, avec bien sûr des reliefs peu accentués compte tenu du remblaiement naturel de ces cavités au fil du temps. Ce sont maintenant des lieux difficiles d’accès car la végétation s’y est particulièrement bien développée bien que périodiquement exploitée pour le bois de chauffage ou de charpentes.

            De terrains stériles, ces zones sont vite devenues de riches écosystèmes qu’il serait d’ailleurs intéressant d’étudier en détail. Au moins, dans ces endroits particuliers, vos copains écolos pourraient y avoir une activité utile s’ils n’étaient pas aveuglés par leurs fausses idées préconçues.

            Les mêmes remarques peuvent d’ailleurs se faire à propos de simples carrières abandonnées sans aucune tentative de réaménagement et qui, une fois remplies d’eaux pluviales, se trouvent assez rapidement colonisées par des bestioles diverses dont des grenouilles et, chose qui m’a toujours surpris quand j’était jeune, par des tritons dont on pouvait se demander de qu’elle manière ils avaient réussi à venir et à se fixer à cet endroit précis.

            Il est évident que toutes ces vieilles carrières représentent des niches écologiques particulières (des niches de bio diversité comme l’on dit actuellement) qu’il serait intéressant d’étudier de plus près. Encore du boulot pour ces ahuris d’écolos dont, j’ose espérer, vous ne faites pas partie !

 

            LJ- C’est, en effet, une idée à approfondir, mais je crains avoir du mal à convaincre mes petits copains, comme vous dites.

            Oui mais, pour en revenir à notre sujet de conversation, on m’a dit que la plupart des terrains miniers sont pollués et donc peu fréquentables.

 

            YL- Bien sûr, ces terrains, surtout ceux qui contiennent des gisements aurifères, qu’ils aient été exploités ou non, sont généralement pollués en arsenic. C’est une chose tout-à-fait naturelle comme je vous l’ai déjà dit, et qui ne risque pas de vous faire passer de vie à trépas ! Sauf si vous avez l’habitude de consommer de la terre pour vos repas quotidiens, et ceci pendant de longues années !...

 

            LJ- Peut-être, mais j’ai appris, d’une manière que je ne vous préciserai pas, qu’il y a eu des cas, en Bretagne, de très fortes pollutions par le plomb. Et je gage que vous allez vous empresser de me soutenir le contraire !

 

            YL- Eh bien, soyez rassurée, ce n’est pas du tout mon intention. Il faut admettre, en effet, qu’il y a eu autrefois, aux 18ème et 19ème siècle principalement, des exploitants qui ne se sont pas souciés de considérations environnementales car ce n’était pas « dans l’air du temps » comme l’on dit.

            Je pense, en particulier, aux célèbres mines de plomb argentifère du district du Huelgoat-Poullaouen dans le Finistère, qui furent plus ou moins actives de 1732 à 1934. A l’époque, il faut l’avouer, l’environnement en a souffert surtout à cause du traitement du minerai qui rejetait dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz sulfureux préjudiciable à la bonne santé de la végétation et aussi, il faut bien le dire, à la population locale. A cette époque, nombre de visiteurs ne manquent d’ailleurs pas de faire état et ces désagréments et souvent d’une manière détaillée et impressionnante.

            Il est évident que si les exploitants avaient songé à récupérer le soufre contenu dans le minerai plutôt que de le laisser partir dans l’atmosphère, les choses auraient été fort différentes. Mais en ce temps là, le soufre n’avait pas grande valeur.

            Depuis, toutes ces pollutions ont cessé peu après la fermeture de ces mines. Les puits d’accès ont été remblayés ou se sont éboulés naturellement et il doit y en avoir encore 2 ou 3 qui soient encore ouverts, dont l’un que je connais bien pour y avoir travaillé. Mais leur accès est maintenant protégé. Et, bien sûr, Dame Nature, a vite repris ses droits depuis fort longtemps dans cette région particulière.

 

            LJ- Mais je pense qu’il doit y avoir bien d’autres sites miniers, peut-être moins célèbres, qui ont causé autant, sinon plus de dégâts, dans leur environnement.

 

            YL- Non, pas à ma connaissance. En effet, il y a eu d’autres mines de plomb argentifère dans tous les départements bretons mais aucune ne fut à l’origine de graves pollutions. Beaucoup ont fonctionné pendant de longues périodes de temps, mais pas toujours d’une manière continue, en fonction de la conjoncture économique du moment. Beaucoup se sont arrêtées, non pas à cause de l’épuisement du minerai, mais à cause de venues d’eau abondantes qui ont contribué à noyer définitivement les travaux souterrains.

            Cela, c’est Dame Nature qui le décide, probablement quand elle juge qu’elle a assez donné ...  A moins que ce soient les esprits de la mine qui, pour une raison ou une autre, sont mécontents de notre conduite !...

 

            LJ- Vous plaisantez, je suppose, car tel que je vous connais, je ne vous imagine pas croire un seul instant en toutes ces légendes de lutins et de nains chargés de garder les mines !

 

            YL- Evidemment je plaisantais, bien que je me sois demandé si, au moins une fois au cours de mon activité professionnelle, je n’aurais pas été inspiré par un de ces lutins… Mais ça, c’est une autre histoire !

            Quant aux nains mineurs, il ne s’agit pas de légendes car, au Moyen Age, il est certain que les mineurs de fond étaient souvent de très petite taille et cela pour de très bonnes raisons pratiques. Chose que nous avons pu constater dans les années 60 dans une mine très particulière. Mais là, on sort encore de notre principal sujet de conversation.

            Maintenant, pour ce qui concerne les interventions préconisées actuellement en matière de fin de mines, je sais que l’on s’efforce de déployer un luxe de précautions. C’est le fameux, et détestable « principe de précaution » figurant en bonne place dans notre constitution. Pour moi, il encourage nos concitoyens à l’irresponsabilité.

            Si cette mentalité avait eu cours dans les années 45 à 75, nous n’aurions pas fait grand-chose d’utile... Et ceci dans tous les domaines.

            Ceci dit, et pour ce qui concerne la Bretagne, il faut dire que la plupart des mines qui étaient en activité sont mortes sans qu’il y ait eu de gros réaménagements de pris, mis à part, bien sûr, la mise en sécurité des moyens d’accès aux travaux souterrains comme je vous l’ai dit plus haut.

 

            LJ- J’ai aussi entendu dire qu’autrefois, on laissait parfois quelques galeries ouvertes afin que les amateurs minéralogistes puissent récolter quelques échantillons pour leurs collections.

 

            YL- Oui mais maintenant cela ne se fait plus car beaucoup de ces amateurs ne sont pas sérieux et s’il leur arrive le moindre petit accident ils n’hésitent pas à poursuivre en justice le maire de la commune malgré les mises en garde affichées au voisinage de ces anciens travaux. Et puis, il faut bien dire que les travaux miniers anciens recèlent souvent des pièges que beaucoup ne connaissent ou n’imaginent pas.

 

            LJ- Mais je crois savoir qu’une mine souterraine ne se limite pas aux seuls de ses accès. En surface, je pense qu’il y a également beaucoup de choses à supprimer.

 

            YL- Bien sûr, il y a ce que l’on appelle le « carreau de la mine » qui comprend des espaces de circulation, des bâtiments plus ou moins importants et des infrastructures propres aux mines dont la plus spectaculaire est le « chevalement » qui coiffe le puits d’accès aux travaux souterrains.

            Si le gisement exploité est définitivement abandonné, on peut supprimer les bâtiments et aplanir le carreau. Toutefois, dans certains cas, des associations locales demandent et peuvent obtenir, mais en général très difficilement, la sauvegarde de certains équipements typiques de la mine dont, en premier lieu, les chevalements. Dans ce cas, le carreau peut être aménagé pour accueillir le public, souvent sous la direction d’anciens mineurs toujours fiers d’évoquer leur activité passée. Le site minier se trouve alors intégré dans le patrimoine local.

Chose que, personnellement, je n’approuve pas beaucoup car, la plupart des gens qui visitent ces lieux ne souhaitent qu’une chose, c’est qu’il n’y ait plus d’autres mines dans notre pays. Cela a des relents d’hypocrisie !

 

            LJ- Je ne vous comprends pas beaucoup. Vous voudriez plutôt que toute trace d’exploitation soit complètement effacée alors que vous êtes le premier à défendre cette activité !

 

            YL- Pour moi, une exploitation minière, c’est une activité passagère appelée à cesser à plus ou moins long terme. Laisser un souvenir de cette activité peut, à la rigueur, se comprendre dans le cadre d’un pays qui décide, pour des raisons politiciennes, d’abandonner définitivement ce genre d’activité alors qu’elle pourrait très bien se poursuivre sur d’autres sites.

            Que, par exemple, l’on signale par une pancarte l’emplacement d’une mine exceptionnelle, pourquoi pas. Et je pense en particulier à la première mine d’uranium ouverte dans le Limousin dans les années 50. Mine que l’on voulait rappeler au souvenir de la population locale ou des touristes par un panneau explicatif.  Je dis bien « voulait » car je me suis laissé dire que le panneau en question avait disparu du paysage, probablement par les soins de vos copains écolos. Mais là, au moins, on ne peut pas les taxer d’hypocrisie !

            Quant à effacer soigneusement toute trace d’activité minière dans une région, comme c’est la mode actuellement, je trouve cela stupide car c’est faire la part belle à tous les tartuffes du coin.

 

            LJ- Mais si un carreau de mine métallique est définitivement abandonné, il restera toujours une cicatrice indélébile dans l’environnement.

 

            YL- Soyez sans crainte car, comme je vous l’ai déjà dit souvent, Dame Nature reprend vite ses droits, et cela d’une manière parfois très spectaculaire. Pour ma part, j’ai souvenance d’un carreau minier laissé à l’abandon en Ille-et-Vilaine et qui, au bout d’une quinzaine d’années, était devenu quasi inaccessible à cause de la végétation arborescente qui s’y était développée. Cela m’avait fort surpris car le carreau n’était recouvert que de simples déblais et je n’imaginais pas qu’une végétation aussi dense puisse s’implanter sur de tels terrains. Et cela sous un climat tempéré comme le nôtre. Alors imaginez ce qui se passe sous des climats chauds et humides !...

 

            LJ- Peut-être, mais j’ai également entendu parler de cavités et d’effondrements qui se forment sur l’emplacement des mines anciennes.

 

            YL- Oui, ce sont des choses qui peuvent se produire lorsque les vides créés dans les exploitations souterraines sont volumineux et non remblayés. C’est ce qui se passe, par exemple, dans les houillères.

            L’ « après mine » consiste alors à sécuriser ces zones instables et à définir des zones impropres à la constructions d’habitations.

            D’une manière générale, tous les vides non remblayés qui se trouvent trop près de la surface topographique, sont susceptibles, un jour ou l’autre, de provoquer un cratère superficiel. Et ce ne sont pas toujours les mines qui sont en cause car il arrive parfois qu’au beau milieu d’un champ, un tracteur agricole se trouve piégé dans une telle cavité. On s’aperçoit alors qu’il s’agit, le plus souvent, d’un simple abri souterrain datant de l’Age du Fer !...

            Dans ce cas, évidemment, personne ne viendra crier au scandale. Par contre, s’il s’agit d’un travail minier, ce sera l’inverse et la mine, une fois de plus, sera accusée de tous les maux possibles et imaginables....

            Pourtant, il n’y a pas si longtemps encore, les exploitations minières étaient considérées comme des entreprises nécessaires et très honorables et les mineurs, dont le travail physique était parfois dur, étaient considérés avec respect et n’avaient aucune connotation diabolique.  Maintenant, n’importe quel journaliste nous affirmera que pénétrer dans une mine équivaut à une descente aux enfers…

 

            LJ- Bon, je crois en avoir suffisamment entendu pour aujourd’hui car je vais finir par faire un complexe de culpabilité !... Cela dit, je vous remercie, une fois de plus, de m’avoir informée sur tous ces problèmes d’actualité lesquels, il faut bien l’avouer, ne sont pas toujours traités d’une manière correcte auprès du grand public.

            Dans l’avenir, j’aurais sûrement d’autres questions à vous poser concernant votre ancien métier et je repense à ce que vous m’avez laissé entendre au sujet des légendes anciennes attachées aux mines, et en particulier aux « nains mineurs ». Je serais très curieuse d’en savoir davantage !... Mais pour cela je vais devoir attendre puisque mon travail, dans un domaine tout autre, m’appelle loin d’ici.

 

            YL- D’accord, pourquoi pas. Cela, au moins, vous remettra en mémoire le célèbre dessin animé de Walt Disney « Blanche Neige et les sept nains » !... Je vous souhaite bon voyage et une bonne réussite dans cette entreprise.

A la suite de cet entretien, Laurence m'a téléphoné pour me dire combien elle était contente de cette nouvelle rencontre qui lui avait ouvert les yeux encore plus largement sur un monde qu'elle a découvert et pour me remercier de lui avoir fait rencontrer un spécialiste qui parle vrai et expose clairement les choses avec beaucoup de franchise.

" Bye bye Laurence et bon voyage, moi je n'attendrais pas pour demander à YL de me raconter ses histoires de Lutins, j'en sais une petite partie, je pense, à propos des " Mineurs nains de Venise " mais je pense qu'il y en a eu bien d'autres ailleurs.

Et puis j'espère bien, aussi, qu'il me racontera cette affaire " d'inspiration par un Lutin " ??? 
De la part d'Yves cette phrase m'a surpris, il n'est pas du genre à lire dans le marc de café et pour qu'il ait eu cette remarque, c'est qu'il s'est réellement passé quelque chose à un moment de sa vie. A élucider !!! "

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