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L'ETAIN ARMORICAIN
Par Yves LULZAC, ancien géologue minier du BRGM
Article paru dans Mines & Carrières
N° 196 - octobre - 2012 (Hors série)
avec l'aimable autorisation de l'auteur
PROVINCE SUD ARMORICAINE
DISTRICT DE NOZAY-ABBARETZ
Cet important district se situe de part et d’autre du petit massif granitique de Nozay que l’on peut considérer comme une résurgence orientale du massif de Grandchamp-Allaire (District de Questembert).
Il s’agit d’un large faisceau filonien, long d’une dizaine de kilomètres, sur lequel de nombreux travaux de recherches et d’exploitations se sont succédés de 1882 à 1973.
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On peut le diviser en quatre segments principaux :
1. Le segment occidental
Situé à l’ouest du bourg de Nozay, se caractérise par une succession de filons et de lentilles quartzeuses qui s’étalent sur un front de 600 à 700 mètres de large et sur une extension longitudinale voisine de 4 km. Ces structures forment un réseau à maille très lâche et se manifestent en surface par une nappe d’éboulis quartzeux peu minéralisés en cassitérite mais pouvant donner lieu à de rares concentrations superficielles et très ponctuelles de minerai détritique.
La puissance de ces formations ne semble guère dépasser le décimètre en général sauf, non loin du village de la Bertellerie, où une lentille minéralisée de 4 à 5 mètres de puissance est actuellement visible dans un petit puits de recherche moderne.
Cette lentille, qui devait apparaître en saillie sur l’ancienne surface topographique, semble avoir attiré l’attention des anciens prospecteurs car, à peu de distance vers l’est, une zone marécageuse d’une superficie d’environ un demi-hectare pourrait signifier la présence d’une excavation très ancienne. S’il s’agit bien d’une exploitation minière, il est possible que la production de cassitérite ait atteint les 5 à 6 tonnes, en supposant une profondeur d’exploitation de 3 mètres et une teneur récupérée de 500 g/m³.
Selon une tradition locale, une ville y aurait été engloutie…
A l’ouest de la Bertellerie, dans le vallon du ruisseau de la Roche, un sondage profond réalisé en 1968 a révélé la présence de charbon de bois dans les alluvions situées non loin du village de la Rimbaudais. Cependant, il serait hasardeux d’affirmer être en présence ici d’un ancien atelier de traitement métallurgique en l’absence d’autres témoignages probants.
Ailleurs, sur ce vaste secteur, on ne note pas d’autres traces significatives de travaux anciens ou récents, du fait probablement des mauvaises conditions d’affleurement (présence de nombreux placages de sables marins d’âge pliocène) et de la médiocrité générale des minéralisations stannifères observées.
2. Le segment central
Situé au sud-est de Nozay non loin du village de la Ville Foucré, correspond à l’affleurement du petit massif granitique de Nozay dont le grand axe est-ouest mesure au moins 1 km pour une largeur de 300 à 500 mètres. Il s’agit d’un granite orienté tourmalinifère très altéré et kaolinisé, accompagné sur sa bordure méridionale par un faisceau de filons quartzeux stannifères qui s’étalent sur un front de 25 à 35 mètres de large.
Des tranchées effectuées par le B.R.G.M. en 1972 ont recoupé d’importants travaux anciens d’exploitation puisque leur emprise porte sur la totalité du front minéralisé. Leur profondeur, supérieure à celle des tranchées, n’a pu être mesurée mais elle pourrait atteindre les 5 à 10 mètres si l’on tient compte du niveau hydrostatique et de la mauvaise tenue des terrains encaissants.
L’extension longitudinale du site exploité peut être évaluée à environ 1 km et, si l’on admet une teneur en cassitérite de 1 kg/m³, comparable aux chiffres obtenus à l’issue des échantillonnages profonds réalisés sur cette zone, on évalue à environ 225 tonnes la quantité de minerai extrait par les Anciens.
Actuellement, ces travaux antiques ne sont guère visibles, les terrains ayant été nivelés pour en faciliter la culture.
Des veinules et filons quartzeux peu stannifères ont également été observés au sein du granite kaolinisé de Nozay mais, bien que cette roche soit très facile à abattre et à traiter, elle ne semble pas avoir attiré l’attention des anciens prospecteurs. Par contre la présence de quelques mares pourrait faire penser à de petites exploitations du seul kaolin pour une utilisation céramique ou réfractaire.
3. Le segment oriental
De loin le plus important, s’allonge selon un axe est-ouest de plus de 4 km jusqu’aux abords du bourg d’Abbaretz, en passant par les villages de Beaulieu, du Maire et du Bé.
Comme dans le cas du segment précédent, le contexte minéralisé consiste en un faisceau de filons ou de trains de lentilles quartzeuses encaissés dans des schistes très altérés et plus ou moins kaolinisés. Il s’étale sur un front d’une trentaine de mètres de puissance en moyenne.
La cassitérite, parfois abondante en amas centimétriques ou même décimétriques, se concentre de préférence sur les épontes des lentilles et des filons en association avec du mica blanc. La plus grande partie du minerai (environ 75%) peut donc être séparée sans grande difficulté de sa gangue stérile par simple lavage, sans obligation systématique de concasser et de broyer les blocs de quartz.
Ces lentilles dont la puissance varie de 10 à 50 cm en général, mais pouvant atteindre localement les 4 mètres, se manifestaient probablement en surface par des alignements, sur plusieurs centaines de mètres, de blocs épars ou chaotiques qui ne pouvaient passer inaperçus aux yeux des anciens prospecteurs d’étain. D’ailleurs, ces derniers les jugèrent suffisamment profitables pour y entreprendre de très importants travaux d‘exploitation dont les multiples traces ont été découvertes au dix neuvième siècle et confirmées au siècle suivant.
En effet, c’est le 17 mars 1882 que Louis Davy, ingénieur civil des Mines, signale pour la première fois la présence d’exploitations d’étain antiques entre Nozay et Abbaretz (L. Davy, 1882). Ce qui était considéré autrefois pour des fortifications ou des retranchements romains ou gaulois (aussi appelés " mardelles ") était en réalité les témoins de ces vieux travaux miniers toujours sous la forme « …d’excavations elliptiques ou circulaires de 4 à 20 mètres de diamètre, disposées en ligne, en ovale ou en cercle, tantôt comme au hasard, sans ordre apparent… » (C. Champaud, 1957). Reportés sur plan, tous ces mouvements de terrain s’alignaient parfaitement selon une ligne est-ouest entre Abbaretz et Nozay.
A la même époque, d’autres chercheurs pensèrent avoir affaire à d’anciennes exploitations de fer après avoir constaté, dans le voisinage, la présence de scories et de fragments de minerai. Ils avaient partiellement raison car, à cette époque, le fer était encore exploité non loin du village du Maire. De même, au cours des recherches réalisées par le B.R.G.M. en 1972, un niveau ferrifère superficiel et démantelé (cuirasse latéritique d’âge éocène probable) a souvent été remarqué à proximité immédiate des filons stannifères.
Cependant, L. Davy découvrait également des scories qui, à l’analyse, se révélèrent stannifères et confirmèrent donc le véritable objet de la plupart de ces travaux (L. Davy, 1897).
De même que dans la région de la Ville Foucré, les terrains ont été ici, soit en grande partie nivelés, soit de nouveau bouleversés par des travaux de recherches et d’exploitations minières récents.
C’est grâce à la découverte de quelques rares excavations encore visibles en surface, ainsi qu’aux observations faites dans un certain nombre de tranchées réalisées en 1972, que l’ampleur des travaux antiques a pu être appréciée.
Ici également, les exploitations ont porté sur toute la largeur du faisceau minéralisé qui varie en général de 10 à 40 mètres, en incluant donc, le cas échéant, des panneaux intercalaires plus ou moins dépourvus de minerai. Des portions de faisceau larges d’une cinquantaine de mètres ont même été travaillées non loin du village de Beaulieu ainsi qu’au lieu-dit le Bois Vert. C’est d’ailleurs sur ce dernier site que les bouleversements de terrain étaient les plus spectaculaires car, ayant atteint une profondeur maximum de 17 mètres, les anciens mineurs furent obligés de taluter (ou élargir) d’autant plus leur excavation pour éviter l’éboulement des terrains encaissants. Ces travaux étaient visibles sur une extension d’environ 400 mètres.
Il est bien sûr très hasardeux de dresser un bilan de la production totale de minerai sur ce segment oriental, car des incertitudes résident dans la profondeur et la longueur réelle des excavations.
Cependant, on peut raisonnablement penser que les cavités larges d’une dizaine de mètres en surface et dont on évalue la longueur cumulée à 1 100 mètres, pouvaient atteindre une profondeur de 5 mètres. Les cavités larges de 35 à 45 mètres en surface et que l’on peut suivre sur une extension cumulée d’environ 450 mètres, pouvaient trouver leur plancher d’exploitation à une dizaine de mètres de profondeur. Quant aux cavités ayant une ouverture d’au moins 50 mètres, et qui représentent au total une extension de 600 mètres, on évalue leur profondeur moyenne à 14 mètres.
Si l’on admet une teneur moyenne en cassitérite de 2 kg/m³, il est fort probable que le tonnage de minerai extrait de ce segment oriental se situe autour de 1 300 tonnes. Ce qui porterait à 1 530 tonnes le poids total de cassitérite extraite par les Anciens du district de Nozay-Abbaretz. Soit environ 1 100 tonnes d’étain métallique.
Outre ces travaux de terrassement, les témoignages les plus significatifs découverts à leur proximité immédiate, sans d’ailleurs préjuger du lien pouvant exister entre certains d’entre eux et l’exploitation elle-même, se résument en un torque en or, de nombreux projectiles de fronde en pierre, cinq monnaies romaines en bronze ou en billon datées du règne d’Auguste (25 BC) pour la plus ancienne, et de l’usurpateur Postumus (263 AD) pour la plus récente, deux monnaies mérovingiennes en or, des coins et des lames de bois travaillé ayant pu servir de houe (trouvés au fond de la grande excavation du Bois Vert), un curieux objet en bois dont la forme suggérerait une grande batée, un culot d’amphore, une demi-douzaine de masses en fer dont une nitrurée (J.R. Maréchal, 1969), un moule destiné à la fabrication de fusaïoles ou de rouelles, une trentaine de kilogrammes de monnaies médiévales en bronze, des fers de chevaux ou de mulets de très petite taille (fers de bœufs ?), un objet en fer ressemblant à une hallebarde, un lingot, une fibule et un poignard brisé en bronze (C. Champaud, 1957, L. Davy, 1912).
Ce qui signifierait que le gisement d’Abbaretz fut exploité au moins depuis l’époque gallo-romaine jusqu’au Moyen Age central. Cependant, il est fort probable que le site fut découvert et travaillé dès l’époque du Bronze.
Une partie du minerai extrait a probablement fait l’objet d’un traitement sur place comme en témoignent les quelques scories stannifères découvertes autrefois par L. Davy. Par contre on ne fait aucune mention de charbon de bois sur lequel il aurait été possible de réaliser une datation au radiocarbone. Notons qu’une telle datation aurait été également souhaitable sur les fragments de bois recueillis au cours de l’exploitation moderne.
Suite à la découverte et aux publications de L. Davy en 1882 et 1897, des travaux de recherches furent inaugurés dès 1910 sur ce segment oriental par la Société Nantaise des Minerais de L’Ouest (S.N.M.O.). Mais ce n’est qu’à partir de 1952 et jusqu’en 1957 que l’aval pendage des travaux antiques du Bois Vert fut exploité à ciel ouvert sur une extension de 700 mètres et une profondeur maximale de 60 mètres. La production totale se chiffre à 3 750 tonnes de minerai marchand, auquel on doit ajouter environ 120 tonnes de cassitérite provenant des travaux de recherche sur les sites du Bé et de Beaulieu. Soit un total voisin de 2 800 tonnes d’étain métallique.
Quant aux réserves encore disponibles, sur le site de Beaulieu principalement, on les estime à environ 6 000 tonnes de cassitérite à teneur moyenne de 2 kg/m³. Le tout exploitable en carrière et pouvant se traiter en grande partie à la manière d’une alluvion (Y. Lulzac,1983).
4. Le segment situé à l'est d'Abbaretz
Entre les villages de la Ribaudais et de la Villeneuve.
Il s’agit d’un faisceau stannifère de même style que celui des segments précédents, dans lequel les filons et les lentilles de quartz se groupent sur un front d’une quarantaine de mètres et sur une extension longitudinale d’au moins 700 mètres. La puissance des lentilles quartzeuses ne dépasse guère le décimètre et il est peu probable qu’elles se soient manifestées d’une manière très évidente sur la surface topographique ancienne.
Ce secteur semble donc avoir échappé aux Anciens car, à l’issue des recherches effectuées en 1971 (tranchées, sondages, puits et galeries), aucune trace de travaux antiques n'a été découverte.
Ce gîte primaire représente actuellement un potentiel de 1 000 tonnes de cassitérite à teneur d’environ 1 200 g/m³ (A. Allon, 1971).
Le réseau hydrographique de ce district ne renferme pas de grosses accumulations de cassitérite détritique, les alluvions très pelliculaires et argileuses ayant révélé des teneurs souvent inférieures à 200 g/m³.
Seuls les vallons du Paradel et de la Loirie au nord d’Abbaretz, ainsi que celui de la Chênaie vers le sud, se distinguent par des concentrations significatives pouvant représenter un potentiel cumulé d’environ 600 tonnes de cassitérite.
Aucune trace d’exploitation ancienne n’a été décelée à l’issue de ces recherches sur les alluvions sauf, semble-t-il, dans le vallon de la Chênaie où de gros fragments de bois ont été recueillis à plus de 2 mètres de profondeur sous une couche d’alluvions remaniées.
Une datation au radiocarbone leur a donné un âge médiéval voisin de 650 AD (analyse Gif 1467 du 31 octobre 1969).
Vue aérienne des installations de la mine d'Abbaretz dans les années 52/57.
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