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L'ETAIN ARMORICAIN

Par Yves LULZAC, ancien géologue minier du BRGM

Article paru dans Mines & Carrières

N° 196 - octobre - 2012 (Hors série)

avec l'aimable autorisation de l'auteur

PROVINCE NORD ARMORICAINE

DISTRICT DE PLOUGASNOU

Ce district se trouve en relation étroite avec le massif de granite rose de Lanmeur, intrusif dans la série basique dénommée "gabbro de Saint-Jean-du-Doigt" (Finistère).

Les premiers indices de cassitérite alluvionnaire découverts au cours des prospections systématiques, ont très vite retenu l’attention par la richesse de leurs concentrations, en particulier dans le vallon du ruisseau qui prend naissance non loin du manoir de Kerprigent (commune de Saint-Jean-du-Doigt) et qui termine son cours entre les Pointes du Diben et de Primel (commune de Plougasnou).

A la suite des nombreuses recherches et exploitations qui se sont succédées de 1966 à 1974, quelques vestiges d’activités minières anciennes ont été remarqués dans la partie amont du dépôt alluvionnaire, sur des terrains non inondables.

Ces anciens travaux, sans continuité apparente et le plus souvent indécelables sur la surface topographique, se trahissent dans la stratigraphie alluvionnaire par l’absence du recouvrement lœssique, épais de 1 à 2 mètres, qui recouvre habituellement toutes les formations géologiques affleurantes de cette région, qu’elles se trouvent en sommet de butte ou en fond de vallon.

Par endroits, le niveau alluvial, remanié et débarrassé de sa couverture de lœss, affleurait directement sous une couche de terre végétale ou de tourbe et se révélait parfois sur la surface topographique par un relief plus ou moins tourmenté, par exemple non loin du village de Saint-Georges. A l’inverse, près du village de Kergueff, ce sont des fosses remplies d‘argile charbonneuse qui occupaient une grande partie de l’horizon alluvial (Y. Lulzac, 1967).

Non loin du village de Mesquéau, la découverte simultanée de nombreuses scories associées à des globules d’étain métallique, d’un amas d’épingles en laiton à tête torsadée, ainsi que de petites plaquettes d’or travaillé, démontre la présence, à proximité immédiate de ces exploitations anciennes, d’un atelier de traitement du minerai d’étain, ainsi que d’un atelier d’orfèvre, peut-être contemporain des activités minières quand on sait que l’or était présent en faibles teneurs dans ces alluvions stannifères.

L’analyse du métal ayant servi à la confection des épingles a révélé un alliage de composition variable, que ce soit d’une épingle à l’autre, ou bien du corps de l’épingle à sa tête torsadée. Ceci dans des proportions variant de 67% à 70% de cuivre, 25% à 33% de zinc, de 3% à 4% de fer, ce dernier métal n’étant parfois qu’à l’état de traces ou même inexistant.

 

Les anomalies constatées dans la stratigraphie alluviale ont ensuite été confirmées au cours de l’exploitation moderne, mais elles n’ont jamais été décrites d’une manière précise, comme cela se produit souvent sur les chantiers mécanisés. Par contre, l’on sait que la traversée de ces travaux anciens a parfois coïncidé avec un fléchissement de la production de minerai dans une proportion pouvant atteindre les 20% du potentiel prévu.

 

Compte tenu d’une longueur cumulée de vallons exploités estimée à 2 500 mètres, d’une largeur moyenne utile d’environ 30 mètres (de 10 à 40 mètres en général), d’un niveau minéralisé épais de 0,70 mètre et d’une teneur en cassitérite récupérée de 750 g/m³, on peut évaluer à environ 40 tonnes la quantité de minerai extrait de ce district par les Anciens, soit une trentaine de tonnes d’étain métallique. Sans oublier les quelques centaines de grammes d’or qu’ils auraient pu récupérer en admettant qu’ils aient réussi à le séparer de la cassitérite malgré la difficulté de l’entreprise.

Le potentiel du gisement alluvionnaire avait été évalué en 1967 à 625 tonnes de cassitérite dont seulement la moitié a pu être exploitée par la CO.MI.REN. en 1974, suite à l’opposition violente des propriétaires terriens. De plus, un traitement spécial du minerai, non prévu au moment de la mise en exploitation, a permis la récupération d’environ 8 kg de poudre d’or.

Contrairement au district de Saint-Renan, l’origine de la cassitérite alluvionnaire est ici très bien connue pour avoir fait l’objet de nombreux travaux de recherches superficielles et profondes. Il s’agit d’une dizaine de filons de puissance métrique et longs de plusieurs centaines de mètres, dont le remplissage est constitué de quartz et de tourmalinites stannifères, ainsi que de sulfures souvent très abondants (arsenopyrite et chalcopyrite principalement).

Ces formations stanno-cuprifères, très inhabituelles et même uniques dans le cadre du Massif Armoricain, ne sont pas sans rappeler celles des Cornouailles anglaises.

Mais ici, elles sont toujours cachées et enfouies sous le recouvrement lœssique propre à cette région, et ne peuvent donc être découvertes que par des méthodes d’investigation profonde. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient totalement échappé au regard des anciens prospecteurs.

 

Actuellement, on estime le potentiel représenté par ces gîtes primaires à environ 5 500 tonnes d’étain métallique et 10 000 tonnes de cuivre (Y. Lulzac, 1970).

District de Plougasnou.jpg

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