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" La Lulzacite à été découverte par mon ami Yves Lulzac en 1997, dans la carrière du Bois de la Roche à St Aubin des Châteaux, à une vingtaine de kilomètres de chez moi... "
LA LULZACITE
De Lulzac à lulzacite : Petite histoire de la naissance d’une nouvelle espèce, de sa découverte à sa publication
(publié en 2001 sur le premier site Internet de JJ Chevallier)
par Y. Moëlo et J.-J. Chevallier
(après interrogatoire serré du suspect Y. Lulzac)
Introduction
Chaque année la commission « Nouvelles espèces » (CNMMN) de l’Association Internationale de Minéralogie (IMA) valide entre cinquante et soixante nouvelles espèces minérales. Le cap des 4000 espèces est maintenant dépassé, et celui des 5000 espèces se profile à l’horizon 2020. Les revues scientifiques publient les articles de définition de ces nouvelles espèces, où l’on trouve toutes les caractéristiques minéralogiques principales propres à identifier toute nouvelle occurrence d’une espèce donnée. Mais, bien sûr, le souci de rigueur et de concision de ces revues conduit à relater de manière plus que sommaire, en une ou deux lignes le plus souvent, les circonstances de la découverte d’une espèce. Ce qui peut conduire l’amateur féru de systématique, qui rêve de trouver un jour « son » espèce, à considérer la découverte d’une espèce comme un processus un peu mystérieux, reposant pour l’essentiel sur « le coup de bol ».
Dans un précédent article (Moëlo, 2001), quelques indications ont été données sur différents types d’activité qui favorisent la découverte d’espèces nouvelles. Rappelons ainsi que la multiplication des observations sur des gisements présentant une minéralogie complexe et originale (ex. : Sainte-Marie-aux-Mines, Cap Garonne, Trimouns) est la plus propice à de telles découvertes, notamment pour les amateurs de micro-cristaux. Mais, même dans ce cas le plus favorable, chaque découverte a son histoire, suite d’évènements parfois un peu chaotique, où un point d’interrogation grossit de plus en plus, pour se transformer en un point d’exclamation : euréka !
Ce chapitre présente ainsi la « petite histoire » de la naissance de la lulzacite. Le terme de découverte est en fait mal approprié, car il laisse à penser qu’on trouve une nouvelle espèce comme un trésor, d’un simple coup de pioche (ou plutôt de marteau), avec déjà dessus, pourquoi pas, l’étiquette « nouvelle espèce » ?!
Chronologie de la découverte
(Sur la base du texte de J.-J. Chevallier
Intertitres et commentaires en italiques rajoutés par Y. M.)
Première étape : Tiens, un échantillon un peu curieux !
3 mai 1997. – Visite de la carrière de St Aubin dès Châteaux, en compagnie de membres du club minéralogique de St Nazaire. Topo sur la géologie locale, puis recherche de spécimens classiques de cette carrière, pyrite, marcassite, apatite, sidérite, etc. surtout observables en cristaux de taille « micromount ».
Au cours de la journée, observation d’un minéral gris-verdâtre en petites plages sans formes cristallines dans un amas décimétrique de sidérite massive. Vague apparence d’apatite ou d’un minéral d’altération de mispickel, genre scorodite. Conservation d’un échantillon pour examen ultérieur.
Deuxième étape : Premières séances de torture…
Courant mai 1997. – Examen de cet échantillon au microscope polarisant ainsi que par voie micro chimique. Les indices de réfraction, le pléochroïsme, le système cristallin et le signe optique, confirment qu’il ne s’agit pas d’apatite. Par contre l’analyse micro chimique confirme qu’il s’agit bien d’un phosphate, avec présence de fer, excluant ainsi la scorodite.
5 mars 1998. – Examen et analyse du minéral au microscope électronique à balayage (MEB) de la Faculté des Sciences de Nantes, grâce à l’aide du Professeur Bernard Lasnier. Mise en évidence du strontium comme l’un des constituants principaux du minéral. Comparaison des caractéristiques optiques avec celles des différents phosphates de strontium connus à cette époque. Aucune ressemblance ne se dégage.
10 mars 1998. – Réalisation d’un diagramme de poudre aux rayons X par le Professeur Bernard Lasnier. Aucune compatibilité avec les autres phosphates de strontium connus.
Là, le warning s’allume : Minéral inconnu au bataillon ! Probablement un minéral nouveau ?
Troisième étape : On sort les armes de caractérisation massive
Les deux premiers objectifs à atteindre impérativement pour certifier un nouveau minéral consistent d’une part à en faire une analyse chimique précise, et, d’autre part, à en déterminer les paramètres de la maille cristalline.
Avril 1998. – Prise en charge du minéral à l’Institut des Matériaux de l’université de Nantes par Yves Moëlo, Pierre Palvadeau et Philippe Léone, en collaboration avec François Fontan de l’Université de Toulouse, spécialiste français de la minéralogie des phosphates. Analyse à la microsonde électronique, étude de la structure cristalline, spectre Raman, etc. Toutes ces données confirment qu’on est bien en présence d’un minéral nouveau. De plus, la comparaison avec d’autres oxysels (arséniates et vanadates), grâce à l’ouvrage général de Kostov et Breskovska (1989), montre une grande similitude de la maille cristalline avec celle d’un arséniate de plomb découvert par Keller et al. (1981) dans le gisement de Tsumeb (Namibie), la jamésite.
A partir de ce moment, il ne faut plus traîner ! Les exemples ne sont pas rares où une nouvelle espèce est trouvée de manière quasi simultanée en deux endroits différents, par des auteurs différents. C’est l’équipe qui soumet la première la proposition d’homologation à la CNMMN de l’IMA qui a la priorité, non seulement pour ce qui sera la définition de l’espèce et du gisement type, mais aussi pour le choix du nom.
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9 juillet 1998 – Envoi par FAX de la proposition de l’espèce lulzacite à J. D. Grice, président de la CNMMN (Commission on New Mineral and Minerals Names), de l’IMA (International Mineralogical Association), à Ottawa, Canada. Le nom de « lulzacite » est proposé en l’honneur de l’inventeur de l’espèce ; corrélativement bien sûr, cela signifie que Y. Lulzac ne peut être dans les auteurs de l’article de définition, même s’il y est fait mention de certaines de ses observations. Pour des raisons bien compréhensibles d’éthique, on ne peut être l’auteur de la définition de sa propre espèce, car cela peut mener à toutes les dérives possibles
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21 juillet 1998 – Réception officielle par J. D. Grice, président de la CNMMN, de la demande d’homologation de la lulzacite, inscrite sous le numéro 98-039.
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2 novembre 1998. – Victoire par K.O. ! : la CNMMN approuve l’espèce et son nom par 22 voix contre 0. A partir de cette date, le compte à rebours est commencé : il faut en effet que l’article de définition de l’espèce soit publié dans les deux ans qui suivent sa validation. Il arrive parfois cependant que les choses traînent (revue surchargée…, ou auteurs surmenés !) ; il faut au minimum qu’un résumé des données de base de la définition soit publié dans les actes officiels d’un congrès scientifique, accessibles à la communauté des minéralogistes.
Un certain temps se passe… Même si le vote de la CNMMN a été franc et massif, certains membres ont fait un certain nombre de remarques, dont il faut tenir compte. Plus généralement, la rédaction d’un article scientifique n’est jamais immédiate. Les données acquises doivent être vérifiées, voire affinées ; des schémas, photos, tableaux doivent être préparés ; et il y a tout un formalisme très strict de rédaction et présentation de ces données à suivre, en tenant compte de plus des règles éditoriales propres à chaque revue scientifique. Tout un travail de mise en forme qui peut sembler un peu bureaucratique, mais par où l’on doit passer pour valider un article scientifique.
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8 octobre 1999 – Soumission de l’article de définition de la lulzacite aux Comptes Rendus de l’Académie des Sciences. Cet article doit faire mention du vote positif de la CNMMN ; il doit de plus indiquer le nom d’au moins une collection publique (musée, université…) où est déposée une partie (ou la totalité) de l’échantillon ayant servi à la définition de l’espèce (holotype).
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7 décembre 1999 – Réponse positive de la revue, moyennant quelques correc-tions selon l’avis du critique.
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21 janvier 2000 – Envoi de la version définitive corrigée.
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3 février 2000. –Acceptation de la version corrigée.
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18 février 2000 - Réception des épreuves d’imprimerie ; correction des épreuves dans la foulée.
Acte de naissance officiel de la lulzacite avec la parution du volume 330 de l’année 2000 des Comptes Rendus de l’Académie des Sciences de Paris.
Références
Chevallier, J.-J. (2001) : Site Web “Aux Minéraux du Monde” : www.mineraux-du-monde.com/lulzacite.htm (site aujourd'hui fermé et remplacé par www.mineralogie.club page actuelle)
Cooper, M.A., Hawthorne, F.C. (1999) : Local Pb2+- disorder in the crystal structure of jamesite, Pb2ZnFe3+2(Fe3+2.8Zn1.2)(AsO4)4
(OH)8[(OH)1.2O0.8], and revision of the chemical formula, Can. Mineral. 37, 53-60.
Keller, P., Hess, H., Dunn, P.J. (1981) : Jamesite, Pb2Zn2Fe5O4(AsO4)5, a new mineral from Tsumeb, Namibia. Chem. Erde 40, 105-109.
Kostov, I., Breskovska, V. (1989) : Phosphate, arsenate and vanadate minerals : Crystal chemistry and classification. Kliment Ohridski univ. Press, Sofia, 212 p.
Moëlo, Y. (2001) – Nouvelles espèces minérales : De leur découverte à leur homologation. Cahier des Micromonteurs, 71, 18-24.
Moëlo, Y. (2003) – Espèces minérales nouvelles françaises depuis la création de la commission « Nouveaux minéraux » (CNMMN) de l’Association Internationale de Minéralogie (IMA) : Quarante ans de découvertes. Cahier des Micromonteurs, 79-1, 3-27.