top of page
logo FB share.png
methodes de recherhes de l or.png
Orpailleur , ruée vers l'or.

Une une interview de Monsieur Yves Lulzac, février 2020

par Laurence Jezequel, journaliste indépendante

Yves Lulzac est un ancien géologue minier qui a fait toute sa carrière au BRGM, à travers le monde. Il est à l'origine de la découverte de la Lulzacite, un phosphate de strontium, qu'il a découvert à St Aubin des Châteaux, Loire-Atlantique, en 1997.Gemmologue de laboratoire à ses heures, il a rédigé un manuel de gemmologie qui fait autorité dans le monde entier. Breton, il est aussi l'auteur de cinq ouvrages sur les manoirs Bretons.

Un orpailleur  de la ruée vers l'Or aux

État Unis à la fin du XIXème siècle.

Laurence Jezequel

Ayant appris que la recherche de l’or dans les rivières de France était le passe temps favori d’un nombre de plus en plus important de mes concitoyens, j’ai voulu en savoir un peu plus sur cette activité qui ne m’est guère familière bien que j’en ai déjà entendu parler, ne serait-ce qu’à la suite de mes lectures de jeunesse concernant les anciennes « ruées » sur l’or de Californie ou du Klondike sur le continent nord américain.

Pour mener à bien mon enquête, je me suis donc tournée, une fois de plus, vers Jean-Jacques Chevallier pour obtenir de la documentation. Comme il se trouvait aux Etats-Unis il m’a orienté vers Monsieur Lulzac, que j’avais déjà rencontré à propos de l’Arsenic et qui a passé le plus clair de sa vie professionnelle sur le terrain dans le cadre de la division minière du B.R.G.M. (Division Massif Armoricain). Sachant que cet organisme a pratiqué de très nombreuses prospections alluvionnaires orientées sur la recherche de l’or et beaucoup d’autres métaux utiles à nos industries.

C’est donc à son domicile nantais qu’il m’a reçu afin qu’il éclaire ma lanterne sur ce point précis de la prospection minière.

Pepites d'or.

Pépites d'or;

Source : https://pngimage.net)

YL. Je vois que la prospection des minerais vous tient toujours à cœur malgré vos affinités écolos qui devraient plutôt vous inciter à ignorer ce genre d’activité diabolique. Et si j’ai bien compris, vous voudriez savoir comment on peut récupérer des pépites d’or dans les rivières bretonnes ?

 

LJ. Non, je n’ai jamais dit que votre ancien métier avait une connotation diabolique car c’est un point de vue que je ne partage pas obligatoirement avec certains de mes amis écologistes. En fait, j’aimerais savoir si cet orpaillage que l’on pratique en France à l’heure actuelle, est une activité sérieuse ou un simple passe temps à la mode. Et dans ce domaine, je pense que les anciens agents du BRGM sont très qualifiés pour me renseigner car ils auraient pratiqué ce genre d’activité pendant un certain temps.

 

YL. En effet, les prospections de base pratiquées au BRGM dans les années 50 et 60, consistaient à explorer les alluvions du réseau hydrographique armoricain. A cette époque, tous mes collègues, et moi-même, savaient manier la batée (en réalité le pan américain), ainsi que la pelle bêche pour prélever les alluvions au fond des ruisseaux. Mais ce n’était pas pour chercher principalement de l’or, ce métal qui ne nous faisait pas particulièrement rêver. C’était pour faire l’inventaire de tous les minéraux utiles pouvant être valorisés, par exemple la cassitérite, la wolframite, le rutile, le zircon, etc.

Quant à l’orpaillage, je dois tout de suite mettre les choses au point : Si l’on peut effectivement récupérer de l’or dans les cours d’eau bretons, ce ne sera jamais en quantité suffisante pour assurer vos fins de mois. Ceci dit, vous aurez quand même la satisfaction de découvrir un peu de ce métal magique, ce qui vous dédommagera de vos courbatures consécutives au maniement de votre batée !

 

LJ. Mais, sans entrer dans les détails, comment se pratiquait cette prospection alluvionnaire au BRGM ?

 

YL. Avec en main la carte IGN au 1/50.000, nous devions effectuer un prélèvement d’alluvions dans tous les cours d’eau du Massif Armoricain, ces prélèvements étant équidistants d’un kilomètre, ou de 500 mètres dans certains cas. Ils se faisaient toujours dans le lit du ruisseau, ce que l’on nomme le lit vif, et leur volume était de deux fois 5 litres de sable « débourbé » et tamisé à la maille de 5 millimètres. Il s’agissait donc d’une alluvion débarrassée de son argile et de ses gros éléments qui auraient été gênants pour la bonne exécution du bateyage. Bien entendu, seuls les cours d’eau facilement accessibles étaient concernés, ce qui excluait les rivières telles que le Blavet et l’Oust, par exemple. Mais c’était bien suffisant pour avoir une bonne idée des possibilités minéralogiques des bassins versants.

Extrait carte IGN 50 000 -Neulliac.

LJ. Mais que faisiez-vous de ce sable et de ces gros éléments qui ne passaient pas dans les mailles de vos tamis ?

 

YL. Bien sûr, avant d’être rejetés, les gros éléments étaient rapidement examinés au cas où il y aurait eu un quartz minéralisé ou un gros cristal de cassitérite, ou encore une grosse pépite d’or !... Mais, malheureusement, cela ne s’est jamais produit !...

Quant au sable, il était traité sur place au pan américain. Le concentré lourd ainsi obtenu, concentré généralement de couleur noire, était mis en tube plastique, pour être ensuite expédié au laboratoire de traitement des minéraux alluvionnaires.

LJ. Votre principal outil de prospection était donc le pan américain et non pas la batée ?

 

YL. Oui, dès le début de nos recherches, nous avions adopté le pan américain plutôt que la batée classique, aussi appelée « chapeau chinois ». En effet, le pan, de par sa forme, permettait d’y faire le débourbage et le tamisage sans l’aide d’un quelconque récipient intermédiaire. De plus, son maniement est simple et peut s’effectuer avec un minimum d’eau. A l’extrême, il nous arrivait même parfois d’effectuer le finissage dans un autre pan.

 

LJ. Mais qui vous avait enseigné l’art du bateyage ?

Pan americain.

Le Pan américai ou batée plus pratique que le "chapeau chinois."

(Photo : Atelier La Trouvaille)

YL. Tout simplement mon patron qui l’avait pratiqué à Madagascar. D’autres collègues l’avaient appris à l’occasion de leurs prospections en Afrique ou en Guyane. Ceux ayant travaillé en Guyane pratiquaient le « chapeau chinois », mais une fois intégrés aux équipes armoricaines, ils se sont vite adaptés au pan qu’ils jugeaient plus fiables au moment de la finition. Mais il faut dire que notre bateyage consistait à récupérer l’intégralité des minéraux « lourds » contenus dans les alluvions. Ce qui nous obligeait à être très vigilent pour ne pas perdre les minéraux de densité moyenne, comme les tourmalines par exemple. Donc, rien à voir avec le bateyage rapide des chercheurs d’or dont le seul but est de récupérer ce minéral de très forte densité et qu’on a peu de chance de perdre. Sauf parfois au moment de la finition car l’or peut avoir tendance à « flotter » en fonction de la forme des grains, surtout quand ils sont aplatis (les fameuses « paillettes » d’or ! ...).

 

LJ. Mais si je voulais orpailler, comment ferais-je pour apprendre à me servir d’un pan ?

 

YL. Dans tous les cas, il vaut mieux se faire montrer le mode d’emploi, sur le terrain de préférence, et non pas se fier aux explications livresques plus ou moins compréhensibles malgré la bonne volonté des « spécialistes » en la matière.

Il faudrait donc vous mettre en relation avec une personne possédant une bonne expérience dans ce domaine. A l’occasion je pourrais vous montrer les principes de base sans que nous soyons obligés d’aller sur le terrain. Autrement, je connais, non loin de Lorient, un ancien chercheur d’or, compétent et sérieux, ayant prospecté à Madagascar et qui, depuis, accompagne volontiers sur le terrain des personnes désireuses d’apprendre cet art, comme vous dites. Si vous le désirez, je pourrais lui en parler.

 

LJ. Oui, pourquoi pas. Mais si je voulais moi-même tenter l’aventure de l’orpaillage, comment devrais-je m’y prendre, et où aller pour avoir le plus de chances possible de tomber sur le bon coin ?

Jacques Le Quéré est chercheur d’or professionnel en Bretagne. (Photo : Thomas Bregardis/Ouest-France)

Jacques Le Quéré est chercheur d’or professionnel en Bretagne.

(Photo : Thomas Bregardis/Ouest-France)

YL. En Bretagne, ou sur l’étendue du Massif Armoricain, rares sont les régions dans lesquelles on ne puisse trouver une petite parcelle d’or. Mais pour savoir dans quelle région se rendre pour avoir des chances de récolter quelques « paillettes », comme l’on dit, le mieux que vous ayez à faire est de consulter l’ouvrage paru aux éditions BRGM en 1969 intitulé « La prospection minière à la batée dans le Massif Armoricain » sous la plume de Jean Guigues et de Pierre Devismes. Y figure une carte où l’on voit les principales zones aurifères susceptibles d’être intéressantes, comme celles de Pontivy ou de Loudéac, par exemple.

Ou encore l’atlas photographique des minéraux d’alluvions élaboré par Pierre Devismes en 1978 et paru dans les mêmes éditions BRGM. Vous y verrez de belles photos !... Si toutefois vous arrivez à vous procurer ces ouvrages car, de nos jours, ils sont malheureusement devenus très rares.

Je pense également à un ouvrage intitulé « A la recherche de l’or en Bretagne », rédigé en 1978 par deux orpailleurs morbihannais, Gilles Trébern et François Marie Baudic. On peut y trouver quelques informations utiles. En réalité, ce que ne disent pas ces deux orpailleurs (qui, en réalité comptaient un troisième larron du nom d’Alain Segond), c’est qu’ils ne pratiquaient pas vraiment l’orpaillage à la batée, mais plutôt la récupération de l’or dans les quelques sablières en exploitation dans les alluvions du Blavet. Le gros volume de sédiments ainsi traités leur avait permis de récolter annuellement quelques kilogrammes d’or sans trop se fatiguer...

 

LJ. Tout cela est bien beau, mais si je vais, par exemple, dans la région de Pontivy qui est aurifère et où il y a beaucoup de ruisseaux plus ou moins important, à quel endroit dois-je creuser exactement ?

Extrait Ouest de la carte des gisements et indices miniers en France.

YL. Je ne vais pas vous faire ici un cours de géomorphologie. Mais sachez quand même qu’en Bretagne, et sur l’ensemble du Massif Armoricain, le fond des vallées et vallons, est occupé par des dépôts alluvionnaires disposés, schématiquement, en couches horizontales comprenant de bas en haut :

- Des éléments plus ou moins grossiers formés de blocs, de gravier plus ou moins hétérogène ou de gravillon, avec une certaine proportion de sable, le tout pouvant être lavé et bien propre ou, le plus souvent, mélangé avec une certaine quantité d’argile. C’est dans ce niveau plus ou moins grossier que l’on a le plus de chances de trouver des concentrations de minéraux lourds, dont l’or. A préciser quand même, que ce niveau repose sur de la roche en place qui peut être dure et saine ou bien plus ou moins décomposée et altérée. C’est au contact de cette roche, que l’on appelle « bed rock » que l’or a tendance à se concentrer.

- Une couche plus ou moins épaisse de sable généralement bien lavé ou très peu argileux. Ce sable, qui peut paraître sympathique à première vue, est à éviter car ne contenant que très peu de minéraux lourds.

-  Une couche d’argile, généralement très peu sableuse, également à éviter.

-  Et enfin, une couche d’humus, ou de terre végétale, qui n’est pas une alluvion à proprement parlé.

 

Bien sûr, si le fond du vallon est occupé par un cours d’eau, ou ce que l’on appelle aussi un lit vif, celui-ci va entailler la couche d’humus et la couche d’argile, laissant à découvert une partie de la couche de sable et, parfois la couche de graviers sousjacente qui peut également être plus ou moins érodée par le cours d’eau. Ce qui peut signifier que la nature a commencé le travail de bateyage en éliminant l’argile et en amorçant la concentration des minéraux lourds.

 

En fonction des possibilités d’accès, et munie de l’autorisation du ou des propriétaires des parcelles concernées, vous allez donc vous positionner sur le ruisseau à condition que le fond soit accessible avec une paire de bottes ordinaires. Sinon, vous serez bonne pour le bain de pied !... Et, bien sûr, il faudra vous munir d’une pelle, genre pelle bêche, pour pouvoir prélever un peu de ce gravier supposé aurifère et, si possible, au plus près du bed rock comme je vous ai expliqué précédemment.

Quant à ce bed rock, il vous faudra apprendre à le reconnaître en fonction de la nature géologique du sous sol. Éventuellement, vous pouvez vous aider d’une carte géologique pour avoir une idée plus précise sur sa nature.