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DATATION DES MINÉRAUX & DES ROCHES
In Mémoriam, professeur Pierre-André Bourque de l'Université Laval au Québec qui m'avait autorisé à utiliser ses travaux et chaleureusement encouragé à mes débuts.
La datation est l'attribution d'une date. Ce terme peut donc s’appliquer à un événement ou à un objet dans notre cas :
-
couche géologique ;
-
roche ;
-
minéral ;
-
fossile.
Il désigne globalement la démarche, scientifique ou non, qui consiste à déterminer le temps absolu de cet objet, et par voie de conséquence l’intervalle de temps relatif séparant l’élément daté du temps du chercheur.
On parle de « datation absolue » lorsque la datation mise en œuvre aboutit à un résultat chiffré exprimé en unité de temps (années, secondes, etc.). Par opposition, l’expression « datation relative » désigne la démarche qui consiste à déterminer l'ordre chronologique d'événements ou d'objets du passé, sans connaître leurs âges réels.
Une confusion est parfois faite entre les deux, lorsque dans le cadre d'une datation relative, la chronologie s'étend jusqu'au présent ainsi, les « âges » des périodes définies par datation relative en stratigraphie sont souvent pris pour argent comptant, bien qu'ils n'aient de sens que comme des intervalles de temps circonscrits définis par rapport à tous les autres.
Toute datation est faite en référence à un point de repère temporel et devrait supposer sa définition ou son expression.
DATATION ISOTOPIQUE
DES MINÉRAUX & DES ROCHES
Il a fallut attendre la découverte de la radioactivité par Marie et Pierre Curie, au début du 20e siècle, pour avoir enfin cet outil qui permit de se faire une idée réaliste du temps géologique, c'est-à-dire obtenir des âges géologiques absolus, et de déterminer l'âge vénérable de notre planète.
Cet outil, la datation radiométrique, utilise certains éléments chimiques qui ont la propriété de se désintégrer radioactivement. En calculant le temps qu'a mis une certaine portion d'un élément contenu dans un minéral à se désintégrer, on obtient l'âge de formation de ce minéral.
RUTHERFORD ET SODDY
La désintégration d'un élément radioactif découle de la loi de décroissance exponentielle énoncée en 1902 par Ernest Rutherford et Frederick Soddy. Ce phénomène régulier permet de dater les minéraux dont l'un des éléments est radioactif avec une période connue.
Dès 1905, à l'université Yale, Rutherford propose de dater des minéraux grâce à la radioactivité : « L'hélium observé dans les minéraux radioactifs est presque certainement dû à sa production par le radium et les autres substances radioactives contenus dans ces minéraux. Si le taux de production de l'hélium en fonction du poids des divers radioéléments était connu expérimentalement, il devrait être possible de déterminer l'intervalle de temps requis pour produire la quantité d'hélium observée dans des minéraux radioactifs, ou, autrement dit, de déterminer l'âge du minéral » (Traduction de G.B. Dalrymple, The age of the Earth, Stanford University Press, Stanford, 1991, p. 70-71.)
La réaction de désintégration peut se résumer ainsi : un élément parent (l'uranium dans l'exemple ci-haut) se transforme progressivement en un élément rejeton (ici le plomb). Cette désintégration met un certain temps à se faire; c'est ce paramètre temps qui nous intéresse.
Ici, le temps est le temps total pour que tout l'élément parent soit transformé en élément rejeton.
On peut illustrer ainsi la progression de la désintégration :
Après un temps 1 (t1), une partie de la quantité originelle d'élément parent (P) aura été transformée en une quantité R1 d'élément rejeton ; il ne restera qu'une quantité P1 de l'élément parent, ce qui peut s'exprimer par le rapport R1 sur P1. Après un temps 2 (t2), on obtiendra un rapport R2 sur P2, plus grand que le précédent, ... et ainsi de suite.
La valeur du rapport R sur P est donc fonction du temps de désintégration. Le taux de désintégration est différent d'un type de désintégration à l'autre, mais toujours le même pour une désintégration donnée. Comme on connaît bien les constantes de désintégration pour les diverses réactions qu'on utilise couramment, on est capable de calculer le temps de désintégration pour une valeur donnée du rapport R sur P, à l'aide de ces constantes. Ce qu'on calcule, c'est le temps qu'a mis la désintégration à se rendre à cette proportion entre rejeton et parent. Voilà un point très important en ce qui concerne les datations radiométriques : ce qu'on détermine, c'est depuis combien de temps la désintégration se fait ou, si on préfère, depuis combien de temps a commencé la désintégration.
En pratique, il s'agit d'utiliser des minéraux qui contiennent des éléments radioactifs, comme par exemple le zircon, un silicate de zirconium (ZrSiO4). Dans ce minéral, une certaine quantité du zirconium peut être remplacée par l'uranium, ce qui rend le minéral utile pour les datations. Au moment où le minéral cristallise, il incorpore une certaine quantité d'uranium, mais pas de plomb. L'uranium va commencer, à ce moment, à se désintégrer radioactivement. En déterminant le rapport plomb sur uranium (rejeton/parent) par analyse en spectrométrie de masse dans un zircon donné, lequel zircon se trouve par exemple dans un granite, on peut calculer depuis combien de temps se fait la désintégration ou, en d'autres termes, depuis combien de temps a cristallisé le zircon. Comme il a cristallisé en même temps que le granite qui le contient, c'est en ce sens qu'on obtient l'âge du granite, c'est-à-dire le moment de sa formation. C'est pourquoi, on parle d'âge radiométrique, c'est-à-dire un âge obtenu par la mesure des produits de la radioactivité.
La réaction de désintégration d'un élément donné n'est pas constante : elle est très rapide au début, et sa vitesse décroît par la suite, selon cette courbe générale :
Pour plus de commodité, on utilise un paramètre qui permet d'avoir des ordres de grandeur : la période d'un élément radioactif. La période est le temps nécessaire pour que la moitié de l'élément parent soit désintégrée.
Processus de radio datation ou datation isotopique . . .
Les critères de l’échantillon à dater
L’échantillon doit être un système fermé, entendant par-là que les isotopes mesurés doivent êtres piégés dans l'échantillon. Aucun des composant ne doit avoir migré et aucun composant extérieur ne doit y avoir été ajouté. Ce qui empêche de dater les roches sédimentaires, puisqu'elles ne constituent pratiquement jamais des systèmes fermés. Les roches magmatiques et métamorphiques le peuvent. L'âge déterminé correspond à la fin du processus de cristallisation des minéraux.
On doit commencer par choisir l'isotope radioactif à utiliser selon l'âge à déterminer. Cet âge doit être compris entre un centième et dix fois sa période. Au-delà, la mesure est impossible car les noyaux sont trop désintégrés !
IMPORTANT : l’isotope ne doit pas être originaire d'une désintégration radioactive, donc radiogénique.
Processus des mesures
Deux méthodes possibles :
- mesurer de l'activité (A) des noyaux radioactifs contenus avec un compteur.
- utiliser un spectromètre de masse. L'outil de base de la géologie isotopique est le spectromètre de masse, grâce à cet appareil, on peut mesurer la population N des différents isotopes des éléments chimiques présents dans les roches et dans les minéraux.
Généralement c’est la seconde méthode qui est utilisée.
On considère un noyau radioactif "père" qui se transforme progressivement en noyau radioactif "fils" ou rejeton, l’isotope radiogénique.
Soit N la population de noyaux pères radioactifs présents à l’instant de la mesure dans l'échantillon à dater.
Soit N0, la population de noyaux pères initialement présents dans cet échantillon.
Comme on l’a vu précédemment on est dans un système fermé depuis la formation de l’échantillon. cette fermeture correspond à l'arrêt d‘échange d'isotopes. La population de noyaux radioactifs restants est donnée par la loi de décroissance radioactive :
t : temps écoulé depuis la fermeture de la boîte
λ : la constante radioactive de la désintégration.
En connaissant N0,et mesurant N, on peut dater l'échantillon :
Si on mesure l'activité A de l'échantillon plutôt que la population de noyaux N alors :
En géologie
Il est difficile d'évaluer la population initiale N0 pour un noyau radioactif donné.
On ne connaît connaît N0 que pour les isotopes radioactifs et .
Pour les autres isotopes, on utilise l'isotope stable fils produit par la désintégration radioactive du noyau père radioactif.
Quid du carbone 14 ...
Texte intégral de PA Bourque
Note de JJC : j'ai remplacé le terme demi-vie
par le mot période que l'on utilise aujourd'hui.
A chaque fois qu'il est question de datation de roches ou d'autres matériaux anciens, on invoque inévitablement l'incontournable Carbone-14 (14-C). Le 14-C est en effet une méthode très utile pour la datation de certains matériaux géologiques, et particulièrement de matériaux archéologiques.
La méthode utilise la réaction de désintégration du carbone-14 en azote-14. Il faut savoir que le carbone commun dans la nature a une masse atomique de 12 (12-C). Il se combine à l'oxygène atmosphérique (O2) pour former du CO2 dans lequel le carbone a une masse atomique de 12, soit le 12-CO2. Mais en plus du 12-C, il y a aussi, en bien plus faible quantité, du carbone de masse 13 (13-C) et du carbone de masse 14 (14-C); ces trois formes, de masse atomique différente pour un même élément, sont ce qu'on appelle des isotopes. Le 12-C et le 13-C sont des isotopes stables, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas radioactifs, tandis que le 14-C est un isotope radioactif; c'est lui qu'on utilise pour les datations.
Pour bien comprendre la méthode, il nous faut voir d'où vient le 14-C et comment ce 14-C est fixé, avec du 12-C, par les organismes vivants, végétaux et animaux.
Le bombardement des gaz de la haute atmosphère par les rayons cosmiques fait que l'azote, de masse atomique 14 (14-N) se transforme en 14-C qui se combine à l'oxygène libre (O2) pour former du CO2, mais un CO2 particulier où le carbone est de masse atomique 14, soit le 14-CO2. Ce 14CO2 se mélange au CO2 qui vient des autres sources, comme des volcans et de l'oxydation des matières organiques ou, aujourd'hui, de la combustion des hydrocarbures. Le CO2 qui provient du cycle photosynthèse-oxydation des matières organiques est aussi particulier. En effet, la photosynthèse consomme du CO2 atmosphérique, c'est-à-dire un CO2 qui contient en partie du 12-C et en partie du 14-C. C'est donc dire que la matière organique des végétaux et des animaux (qui consomment les végétaux) contiendra une certaine quantité de 14-C. C'est ce 14-C qui est utilisé pour les datations.
Au départ donc, toute matière organique vivante (végétaux ou animaux) contient du 12-C et du 14-C (ainsi qu'une faible quantité de 13-C). La proportion entre 14-C et 12-C dans les tissus organiques et le squelette métabolisés par l'organisme demeure la même tout au long de la vie de l'organisme, un rapport correspondant à celui qui se trouve dans le CO2 atmosphérique. En pratique, on peut donc dire que l'horloge démarre avec la mort de l'organisme; la proportion commence alors à changer à cause de la désintégration du 14-C et du fait que le 12-C demeure stable. Le produit de la désintégration du 14-C, l'azote 14, est un gaz qui s'échappe dans la nature. En pratique, puisque le 12-C est stable, on mesure le rapport entre, 14-C et 12-C. Connaissant le rapport qui existe dans la nature entre 14-C et 12-C, ainsi que la constante de désintégration, on peut comme dans les autres méthodes, calculer le temps qui s'est écoulé depuis la mort de l'organisme qui a fixé le carbone dans ses tissus ou son squelette. Par conséquent, l'âge que l'on obtient avec la méthode du 14-C, c'est l'âge de la mort de l'organisme (du bois, des coquillages, de la tourbe, des tissus de lin, cotton, laine, etc...).
Mais la proportion 14-C/12-C est-elle vraiment demeurée constante à travers les temps géologiques?
Dans la méthode de datation par 14-C, on prend pour acquis que la proportion 14-C/12-C n'a pas changé avec le temps géologique, ... ce qui n'est pas vrai. En effet, on sait aujourd'hui que cette proportion a varié avec le temps. On le sait par exemple en comparant l'âge obtenu à partir du 14-C et l'âge obtenu en comptant les anneaux des arbres (dendrochronologie) ou encore les varves (dépôts saisonniers) dans les lacs. On sait que la production de 14C a été en général plus élevée dans le passé, ce qui implique que les âges non corrigés sont en fait plus jeunes que ce qu'ils devraient être en réalité. C'est pourquoi, il faut apporter des corrections. Ainsi, pour la période entre -20 et -40 Ka, on apporte une correction de l'ordre de 10% (on vieilli les âges de 2 à 3 Ka); ce pourcentage diminue pour des âges plus récents. Même avec un facteur aussi grand que 10% (ce qui n'est pas le cas), le suaire de Thurin ne pourrait être vieilli de ...700 ans! (voir plus bas).
La croyance populaire est à l'effet qu'on puisse dater n'importe quoi avec le 14-C. Il faut bien voir, et c'est très important, que cette méthode ne s'applique qu'aux matériaux qui ont déjà été vivants, comme du bois, des coquilles, du lin, etc. Inutile de penser dater des outils de métal ou des pointes de flèches en silex (SiO2) avec cette méthode.
Il y a une autre limitation très importante à la méthode : le temps impliqué. Avec les méthodes de l'uranium-plomb, du rubidium-strontium ou même du potassium-argon (voir plus-haut), la période s'exprime en milliards d'années. Avec le 14-C, on parle d'une période de 5730 ans. Le schéma qui suit montre l'implication d'une période aussi courte.
Au temps 0, on a 100% de 14- (barre rose).
Après 5730 ans (la période de la désintégration), la moitié du 14-C est désintégrée.
Après un autre 5730 ans (11,460 ans au total), la moitié de la moitié est désintégrée; il reste le quart du 14-C originel. Après un autre 5730 ans, il en reste 1/8, ... et ainsi de suite.
Après 74,490 ans, il reste 1/8192 (= 0,000122) du 14-C originelle. C'est peu, d'autant plus qu'au départ, la quantité de 14-C par rapport au 12-C était déjà faible.
Analyser une si faible quantité devient très difficile. En pratique donc, le 14-C est utile pour dater des objets qui ne sont pas plus vieux que 75 000 ans.
On parle ici non plus en milliards, ni même en millions d'années, mais bien en quelques dizaines de milliers d'années seulement.
Le 14-C une méthode très utile en archéologie et en histoire. Elle a été utile pour clore certains débats :
Le suaire de Turin qui aurait servi à ensevelir le corps du Christ a été daté en 1988, par trois équipes indépendantes, dans une fourchette d'âge entre 1260 et 1390 ans, donc un suaire fabriqué au Moyen-Âge.
Le bois du soi-disant trône de St-Pierre a aussi été daté du Moyen-Âge.
La méthode est aussi utilisée en géologie des dépôts superficiels qui souvent sont plus jeunes que la limite de 75 000 ans. Les dépôts de la Mer Champlain par exemple qui n'ont que quelques 9 000 à 12 000 ans d'âge sont datés au 14-C, en utilisant les coquilles et le bois fossile de ces dépôts.
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