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TRINITITE

OU VERRE D'ALAMOGORDO

Par Benjamin Carballo

Voici un "minéral" bien particulier qui n’a pas été formé naturellement, mais artificiellement ! C’est-à-dire qu’il s’est formé par l’intervention humaine. 

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Explosion_nucléaire.

Nous sommes en plein été 1945, dans le désert Jordana del Muerto, Comté de Socorro, non loin d’Alamogordo (Etat du Nouveau-Mexique, Etats-Unis). Le 16 juillet, très tôt le matin, une centaine de personnes sont sur le pied de guerre. Parmi elles, Robert Oppenheimer et le Général Groves. Ils doivent expérimenter une toute nouvelle invention, qui révolutionnera l’avenir de l’Homme. A 5h 29 minutes et 45 secondes, heure locale des Montagnes Rocheuses, ils appuyèrent sur le bouton censé déclencher leur nouvelle invention, depuis un bunker situé à 8 km de celle-ci.
En une fraction de seconde, un flash lumineux de 2 km de large fendit l’air et la nuit. Il fut bien plus aveuglant que plusieurs soleil réunis, (la température au sol était d’environ 5 à 8 000 °C et la pression supérieure à 8 gigapascals) S’en suivit une terrible détonation (normal, car la vitesse du son, 340 m/s, est beaucoup plus lente que celle de la lumière…), puis d’une impressionnante onde de choc, 400 km/h.

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Etiquette de marchand de trinitite.

La boule de feu vitrifia le sable arkosique du désert, un mélange de grains de quartz et de feldspath majoritaires, avec de petites fractions de plagioclase, de calcite, de hornblende et d'augite, dans une matrice d'argile sableuse, mais aussi mélangé à d’autres débris et éléments radioactifs causés par l’explosion, sous la forme d’un verre, qui fut ainsi nommé par la suite « Trinitite ». 

Ce fut la première explosion nucléaire de l’histoire, la fission d’un cœur de Plutonium, dans le but de mettre définitivement fin à la Seconde Guerre Mondiale dans le Pacifique. Elle avait une puissance de l’équivalent de 19 kilotonnes de TNT. Cette opération fut appelée Trinity (la Sainte Trinité !), et la bombe surnommée "Gadget". L’explosion et la détonation ont été perçues jusqu’à Albuquerque et Santa-Fe (Nouveau-Mexique), mais aussi à El Paso (Texas, frontière mexicaine). Toute la zone proche du point zéro, dans un rayon de 350 mètres fut partiellement vitrifiée, avec beaucoup de Trinitite, ce verre atomique de couleur verte, mais aussi rouge (vous verrez pourquoi un peu plus loin). 
Aujourd’hui, il est possible de trouver ce verre artificiel sur le marché des collectionneurs de minéraux, ou d’objets scientifiques, même si elle est très rare. Le site de l’explosion est ouvert deux à trois fois par an aux touristes, par le gouvernement américain. Certains d’entre eux repartent du site après avoir échantillonné les rares Trinitite encore visibles autour de la stèle commémorative située au « Ground Zéro ». C’est ainsi que l’on peut en acheter sur les bourses aux minéraux locales, comme à Tucson (Arizona), où Jean-Jacques et Francine Chevallier ont pu m’en rapporter il y a quelques années. 

The gadget, premiere bombe nucleaire.

"Gadget", la première bombe nucléaire, en haut de sa tour, la veille du tir.

Il est très intéressant de se pencher sur la composition chimique de la Trinitite. Récemment, le laboratoire national de Los Alamos (Nouveau-Mexique), fondé en 1943 durant le projet Manhattan, a publié une note très détaillée sur la composition chimique de ce verre atomique : « RECENT ONSITE GAMMA MEASUREMENTS AT THE TRINITY TEST SITE AND A COMPARISON TO TRINITITE SAMPLES ». Leurs analyses confirment la présence d’éléments radioactifs artificiels !

On y trouve du Césium 137 (produit de fission de la bombe), de l’Europium 152 et 154 (créés par l’activation neutronique de l’Europium « stable » qui est présent dans le sol naturellement), du Cobalt 60 (probablement dû à la désintégration de la tour qui soutenait la bombe du haut de ses 30 m, dont le métal contenait du cobalt « stable » ), du Baryum 133 (produit d’activation), mais aussi de l’Américium 241 (un élément de la chaîne de désintégration du Plutonium 241) en très faible quantité. Dans certains échantillons de Trinitite, des traces de Plutonium 239 ont été signalées. Le laboratoire de Los Alamos souligne également la forte teneur en Cobalt 60 des très rares échantillons de Trinitite rouge, beaucoup plus élevée que dans les échantillons classiques de couleur verte. Ceci suggère (suggestion personnelle de l’auteur) probablement que c’est le cobalt qui a coloré ces échantillons en rose-rouge, comme les calcites congolaises riches en cobalt et qui sont de couleur rose. 

Trois trinitites.
Zones rouges sur Trinitite.

En conclusion, la Trinitite peut tout à fait être classée en tant que déchet nucléaire ! Malgré tout, elle est tout à fait inoffensive, car sa radioactivité est très faible plus de 70 ans après l’explosion et donc sa formation (confirmée via mon compteur-Geiger GammaScout). Elle n’émet que très peu de rayonnements Gamma, surtout des rayonnements alpha et bêta. C’est pourquoi il faut éviter de l’avaler, les rayonnements alpha étant dangereux pour les muqueuses, mais quasiment inoffensifs pour l’épiderme de la peau. Avoir une Trinitite, c’est la chance de pouvoir posséder un produit issu et formé par la première bombe nucléaire de l’Histoire, une des plus grandes inventions de l’Homme, ayant permis d’éviter une troisième guerre mondiale grâce à la dissuasion nucléaire.

C’est aussi l’occasion de posséder plusieurs éléments (composés de ce minéral atomique) rarissimes et impossibles à trouver sur le marché : Américium 241, Césium 137, et surtout le Plutonium, qui est extrêmement dangereux à manipuler à l’air libre où il peut s’enflammer facilement. Le tout dans un seul petit échantillon inoffensif, car ces radioéléments sont présents en infime quantité… 

Remarques : les verres atomiques des autres sites d’essais nucléaires dans le monde, sont appelés « atomsites ». 

Sources :

Connaissances personnelles de Benjamin Carvallo

Laboratoire de Los Alamos.

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